dimanche 30 novembre 2008



L'Emprise.

"L'Echange" (Changeling) de Clint Eastwood (USA); avec Angelina Jolie, John Malkovich, Jeffrey Donovan, Colm Feore, Amy Ryan, Jason Butler Harner...

Los Angeles dans les années 20. Le fils de Christine Collins disparait. Mise sur la selette par l'opinion publique à cause de son manque de résultats et de sa prétendue corruption, la police locale met tout en oeuvre pour résoudre l'affaire rapidement. Quelques mois plus tard, elle restitue à Christine un garçon de neuf ans prétendant être Walter. Troublée, la jeune femme ramène l'enfant à la maison. Mais au fond d'elle, elle sait pertinemment qu'il n'est pas son fils.

Allez, d'abord, un peu de tartinage de culture générale...

Qu'est-ce donc que ce "changeling" qui donne son titre original au film, me demanderez-vous, bon sang de bois? (non, Christophe, cher ami, cela n' a rien à voir avec une tagline ou un one-liner, détrompez-vous).
Eh bien figurez-vous qu'il s'agit, dans le folklore européen, d'un leurre déposé par les fées en échange de l'enfant qu'elles leur ont enlevé.
Dingue, non?
Oui, enfin, ce qui est surtout dingue, c'est de constaster une fois de plus au travers de cet exemple à quel point les titres originaux sont plus adéquats que leurs "traductions" françaises.
Bien qu'ici, "L'Echange" n'aie rien de honteux, bien au contraire.
Mais c'est bon pour une fois...

Et maintenant, un peu d'histoire...

"L'Echange" nous arrive précédé de la redoutable mention "inspiré d'une histoire vraie", signe soit que l'on va avoir droit à un affreux mélo tire-larmes, soit que le film n'a de réel qu'une vague situation de départ, le reste étant extrapolé (poussez, poussez, l'extrapolé... Pouf pouf. Pardon...).
Rien de tout cela ici, aussi étonnant que cela puisse paraitre au vu du nombre de rebondissements tous à première vue plus invraisemblables (et parfois abominables) les uns que les autres.

Non seulement le film s'inspire-t-il réellement d'une affaire criminelle ayant défrayé la chronique à la fin des années 20 (connue sous le nom de "Wineville Chicken Coop Murders") mais Clint Eastwood pousse-t-il la rigueur historique jusqu'à conserver les noms des protagonistes et à reproduire jusqu'aux minutes du procès original.
Vu le contenu de l'oeuvre, il était nécéssaire de le préciser.

Quant au film lui-même...

Eh bien, il était couru d'avance que les détracteurs du vieux Clint allaient lui reprocher une fois de plus de pécher par excès d'académisme.
"L'Echange" prêtait même idéalement le flanc à cette critique de par le fait qu'il est inspiré d'une histoire vraie, justement...

Mettons directement les points sur les "i": si Clint Eastwood est un cinéaste classique - et si, par delà, son dernier né peut-être considéré lui aussi comme un film "classique" - c'est de classicisme au sens le plus noble du terme dont il s'agit ici.
Classique, oui.
Mais comme John Ford ou Douglas Sirk peuvent être eux aussi considérés comme classiques.
On peut rêver pire comme comparaison, non?
D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si ces deux cinéastes sont cités ici, tant l'on peut trouver de similitudes entre leur oeuvre et le film d'Eastwood.
Le premier pour le côté rugueux, viril de ses intrigues et surtout pour la droiture de ses héros, plongés dans des univers en pleine dériliction.
Le second pour ses mélos flamboyants derrière lesquels se cachent, là aussi, des sociétés sombres et rongées de l'intérieur, de ténébreux secrets, de la corruption...

Car il est bien évident qu'en tentant à tout crin de démontrer à quel point la police et les politiques du Los Angeles de l'époque étaient non seulement complètement rongés par la corruption et la violence mais également prêts à tout pour le cacher et pour garder leur privilèges intacts, Eastwood dessine en filigrane le portrait de l'Amérique actuelle telle qu'on la connait, encore en proie aux mêmes démons.
Le portrait d'une société en train de s'effondrer, tellement sont rongées les fondations mêmes sur lesquelles elle repose.

Tout cela étant d'ailleurs magnifiquement souligné par certaines scènes dont l'apparente cruauté gratuite (une exécution filmée froidement et quasiment dans son intégralité, par exemple) n'est que le symbôle d'autant de fissures dans le miroir, d'autant de grains de sables dans une machine apparement bien huilée.

Rajoutons à cela un magnifique portrait de femme, féministe avant l'heure et sans le savoir, aux prises avec une société machiste qui ne reculera devant rien pour la faire taire, et nous tenons là un futur grand classique (eh oui!) du cinéaste.

Et même du cinéma américain de ces dernières années.

Aidé qui plus est par l'interprétation en tous points impressionnante d'Angelina Jolie - qui prouve enfin qu'elle est une véritable actrice - ainsi que par l'une des reconstitution d'époque les plus rigoureuses qu'il m'ait été donné de voir ces dernières années, Clint Eastwood prouve, une fois de plus qu'il est sans doute l'un des derniers vrais grands cinéastes (Classiques! Oui! Classiques!) encore en activité à Hollywood.

Et malgré son grand âge on ne peut espérer qu'une chose: que cela dure encore longtemps!


Cote: ****

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca sent l'Oscar a plein nez tout ça.

Cartman a dit…

Ca dis. Et pas qu'un peu.

Unknown a dit…

très peu pour moi en tous cas!

Cartman a dit…

Tu passes à côté de kèkchoz, crois moi.

Unknown a dit…

Bon. Puisque tu insistes, je le louerai à sa sortie en dévédé. On en reparlera (ici ou ailleurs...).

Cartman a dit…

Bien.