La voix des morts. "Biutiful" de Alejandro Gonzalez Iñarritu (MEX); avec Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernandez, Diaryatou Diaff, Cheik N'Diaye, Taisheng Cheng...
Dans les quartiers interlopes de Barcelone, Uxbal est un homme en chute libre. Magouillant dans le milieu du trafic d'êtres humains, du travail au noir et des marchands de sommeil, il tente tant bien que mal d'élever ses enfants, avec la présence intermittente de leur mère, volage et borderline. Sensible aux esprits, il "communique" avec les morts et en tire une partie de ses revenus. Mais, après qu'on lui ait diagnostiqué un cancer, c'est à sa propre fin qu'il va être confronté...
Il faut bien le dire: "Biutiful" n'est pas le genre de film à aller voir un jour de déprime ou de légère fatigue.
Apre, râpeux et triste, le film que l'on a sans cesse comparé à du "Ken Loach latino" lors de son passage au dernier Festival de Cannes (dont Javier Bardem est reparti avec un très justifié Prix d'Interprétation Masculine) est tout sauf léger, tout sauf aimable et tout sauf drôle.
Car comparaison n'est pas raison et même le plus désespéré des films de Loach (on peut citer "Ladybird", "Naked", "My Name is Joe" ou même cette admirable baffe dans la gueule qu'est "Kes") est empreint d'un humour salutaire qui aide le spectateur à voir la lumière du jour.
Rien de tout celà dans cette fable humaniste mais désespérante qu'est "Biutiful", le premier film réalisé par Iñarritu sans l'aide de son compère Guillermo Arriaga et son premier aussi à s'éloigner de son style de film choral et kaléïdoscopique. Suivant pas à pas Uxbal (Javier Bardem, à la fois fragile et monolithique, traîne sa carcasse pétrie de tristesse et de fatigue existentielle dans à peu près 100% des scènes du film), "Biutiful" est une oeuvre sombre, étouffante, parfois difficilement soutenable (la scène où l'on retrouve les clandestins chinois asphyxiés par des bonbonnes de gaz défectueuses), dans laquelle aucune fenêtre ne s'ouvre jamais, où l'on n'aperçoit jamais le moindre coin de ciel, où l'on a parfois l'impression de manquer d'air. Jusqu'à sa toute fin, du moins...
Le principal défaut du film, outre cette tendance à la neurasténie permanente, se situe d'ailleurs dans le fait que, quelque part, il se prend peut-être un peu trop au sérieux.
Qu'il s'écoute un peu trop penser, qu'il se regarde un peu trop filmer, sur l'air du "regardez comme je suis sensible et intelligent et comme je pose les bonnes questions".
Le problème, c'est qu'il a raison, le film.
Il pose les bonnes questions.
Et y apporte les bonnes réponses.
Et du coup on lui pardonne beaucoup.
Car Iñarritu fait ici preuve d'un art consommé de la métaphore et de la trenscendance. Transformant son film en une parabole qui traite à la fois de la paternité et de la quête du père, du remord et de la transmission, de la maladie, de la mort et de de la rédemption - la figure d'Uxbal étant réellement "christique".
Et il le fait de la plus magnifique des manières.
Car si le film est lourd, épais, glauque et malsain - lourd de sens, aussi - c'est également une oeuvre d'une poésie qui confine au sublime.
Par la grâce d'une mise en scène dont la finesse tranche avec la lourdeur du propos, illuminé par une photo sublime, transporté par la fièvre et l'emportement de ses personnages et de sa réalisation et littéralement bouleversé par une scène finale extraordinaire, ce mélo mâtiné de fantastique et dressant un constat social faisant somme toute froid dans le dos arrive à faire briller in extremis une lueur d'espérance.
Et nous ouvre les yeux sur un monde pas forcément beau mais d'une fragilité rare.
Cote: ***
mercredi 30 mars 2011
lundi 21 mars 2011
En attendant le Bifff...
Allez, on y est presque...
Le Bifff 2011, c'est dans moins de trois semaines et les préventes ont commencé aujourd'hui.
En fanfare, il faut bien le dire !
Plus de préventes que chez MediaMarkt (ce qui est déjà d'un facile...) ou directement via le site de Sherpa (plutôt crever que d'acheter mes places de cette façon !).
Je me suis donc rendu dès cette après-midi au MM de la rue Neuve. Qui vient de déménager (enfin, il est à la même place mais tous les rayons ont bougés) et qui est donc pourri de problèmes techniques, surtout en se qui concerne les connections Internet.
En deux mots, au beau milieu de ma commande, ça a planté. Tout à disparu et aucun espoir que ça remarche dans un futur relativement proche.
Le conseil du vendeur ? Allez donc voir au MM Basilix (à savoir à l'autre bout de l'Univers Connu) si ça fonctionne.
En gros: CREVER ! (et un beau périple en perspective, demain, après le taf. Wééééééééééé !!!!)
Bref, bref, bref...
Et sinon, à part ça, qu'est-ce qu'on est en droit d'attendre de cette 29ème édition ?
Eh bien quand même au moins deux belles perles: à savoir les premiers films pour le cinéma de John Landis et de John Carpenter, respectivement en 13 ("Susan a un plan" - 1998) et 10 ans("Ghosts of Mars" - 2001).
Et comme si ça ne suffisait pas, semblerait (je dis bien "semblerait" parce qu'avec le Bifff et ses invités, on ne sait jamais) que le premier cité soit présent et soit intronisé Chevalier de l'Ordre du Corbeau (ce qui est toujours une belle pantalonnade).
Côté guests on attend aussi Frédérique Bel (pour "Les Nuits rouges du Bourreau de Jade", tout un programme), Zoé Félix (pour "Captifs". Ka-boom !!!), Alice Taglioni (hum hum ! Pour "La Proie"), Timothy Spall (pour "Wake Wood") et mon chouchou Alexandre Aja (comme ça, parce qu'il passait par là).
Et au niveau des films ?
Awel, à part ceux cités ci-dessus, il y aura aussi le multiprimé - à Venise - dernier effort de Alex de la Iglesia (qui sera là aussi, tiens. Enfin... Comme d'hab'), "Balada Triste de Trompeta", en ouverture, le troisième "Tetsuo" (YAYAYAYAYA !!!!!) de l'ami Tsukamoto, un film des frères Pang, un demi John Woo, un Tsui Hark, le "Essential Killing" de Skolimowski (avou ce crâmé de la tête de Vincent Gallo, lui aussi primé à Venise), quelques trucs espagnols sans lesquels le Bifff ne serait pas le Bifff ("Julia's Eyes", "Kidnapped", "Neon Flesh", de l'équipe qui se cache derrière "SexyKiller"...), un Miike, du belge et la-nouvelle-sensation-amériki-qu'on-a-quand-même-un-peu-peur-que-ça-tourne-comme-"Paranormal Activity": "Monsters"...
Et plein d'autres choses encore, bien entendu...
Des concerts et des workshops, du maquillage et des Q&A, de la Cuvée des Trolls et Jean-Luc Maitrank etc., etc., etc.
Vivement bientôt, tiens.
Qu'on sache si cette virée aux confins de Berchem-Ste-Agathe en valait vraiment la peine.
lundi 14 mars 2011
Les fantômes de l'Opéra.
"Black Swan" de Darren Aronofsky (USA); avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder, Benjamin Millepied...
New York City Ballet. L'ambitieuse mais timide et peu sûre d'elle Nina rêve de prendre la succession de Beth McIntyre, star déchue, dans la nouvelle production du "Lac des Cygnes" que prépare le ténébreux et énigmatique Thomas Leroy. Elle trouve une rivale inattendue en la personne de la nouvelle recrue, Lily. Mais sans doute aussi en elle-même...
La surprise est de taille lorsque l'on se trouve confronté à "Black Swan" !
Tout nous laissait en effet entendre que l'on aurait affaire à une sorte de mélodrame sur fond de rivalité dans le monde de la danse.
Et l'on se retrouve en fait face à un film d'horreur.
Ou du moins face à un thriller fantastique au moyeu psychologique, pour ne pas dire psychanalytique.
Et ce n'est pas le moindre atout de ce film que de surprendre presque à chaque instant.
Ce serait même son fond de commerce. Et donc sa force.
Car "Black Swan" est un grand film sur la schizophrénie, la frustration sexuelle, l'acceptation de soi et la quête de la perfection. Un film dont le fond est magnifié par la forme. Un thriller psychologique au final beaucoup plus noir que blanc, bien plus noir que ce qu'on l'on pourrait attendre de prime abord.
Et qui joue sur les rebondissements avec subtilité au gré d'un scénario éminemment retors.
Un scénario qui se paye le luxe de laisser croire au spectateur qu'il est plus malin que lui, tout en le manipulant d'un bout à l'autre.
Car elles sont nombreuses, les scènes au détour desquelles l'on se dit "c'est trop évident, il va se passer ça" pour finalement se retrouver cul par dessus tête.
Parfois parce que, évidemment, ce n'est pas du tout ce qui était prévu qui survient.
Parfois - et c'est forcément encore plus fort ! - parce que le truc téléphoné arrive bel et bien... mais pas du tout de la manière où l'on s'y attendait !
"Happiness is the road", disait l'autre... Et voilà qui se vérifie merveilleusement ici, dans une fable tragique et - donc - schizophrène, dont la force tant thématique que formelle laissent sans voix, émotionnellement à bout de souffle.
Car d'un point de vue plastique aussi, ça se pose un peu là.
Avec ce gros grain et cette caméra portée virevoletante (on reconnaît bien la patte du Aronofsky réalisateur, qui renvoie à ses précédents opus, "The Wrestler" compris, dont le message en forme de quête de rédemption n'est finalement pas si loin de celui délivré ici), cet usage forcené du plan "de dos" cher à nos frères Dardenne nationaux (dont Aronofsky, bizarrement, se réclame) ou cet art consommé du non-dit et du faux semblant (toutes les scènes dans le métro ou l'on se demande ce que l'on voit vraiment).
C'est virtuose, oui, car rarement une mise en scène et une mise en image auront à ce point été en adéquation avec le propos d'un film.
L'autre atout du film, évidemment, c'est sa cinéphilie jamais vaine et son sens de la citation, parfois appuyé, certes, mais toujours adéquat.
On pense à Polanski ("Le Locataire" ou "Rosemary'Baby", pour leur ambiance paranoïaque), Brian De Palma (la relation mère-fille de "Carrie" ou, bien entendu, "Phantom of Paradise", pour le côté "Fantôme de l'Opéra" déjanté).
Et puis, surtout - surtout ! - on pense à "Suspiria" de Dario Argento. Tant pour le thème et le décor (une école de danse dans "Suspiria" aussi) que pour la charge sexuelle contenue par le film et son esthétique générale, parfois à la limite d'un kitsch heureusement maîtrisé.
Quant à l'interprétation, nous ne devrons en retenir qu'une chose - et ce malgré l'excellence uniforme du casting (Kunis, Cassel, Hershey et surtout une étonnante Winona Ryder qui fait beaucoup en très peu de scène): c'est que c'est là probablement le rôle de la vie de Natalie Portman.
Celui qui changera tout pour elle, comme est venu le confirmer son récent et plus que mérité Oscar (à tout point de vue, d'ailleurs, puisque c'est sur le tournage qu'elle a rencontré le père de son futur enfant, l'acteur/chorégraphe très pertinemment nommé Benjamin Millepied).
Omniprésente, habitée, de manière permanente à la limite de la rupture, elle offre plus qu'une interprétation; carrément une performance !
De celles qui resteront gravées dans les mémoires et probablement aussi dans l'Histoire du 7ème Art.
C'est d'ailleurs grâce à elle, à l'issue d'une scène finale à vous arracher les yeux de la tête et les larmes du corps, que ce "Black Swan" peut-être parfois un peu too much, peut-être parfois un peu boursouflé, arrive in extremis* à acquérir ses quatre étoiles et son statut de première vraie grande baffe de ce début d'année.
Alors qu'est-ce qu'on dit ?
On dit bravo !
Cote: ****
(*Ou peut-être pas tant que ça, après tout...)
"Black Swan" de Darren Aronofsky (USA); avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder, Benjamin Millepied...
New York City Ballet. L'ambitieuse mais timide et peu sûre d'elle Nina rêve de prendre la succession de Beth McIntyre, star déchue, dans la nouvelle production du "Lac des Cygnes" que prépare le ténébreux et énigmatique Thomas Leroy. Elle trouve une rivale inattendue en la personne de la nouvelle recrue, Lily. Mais sans doute aussi en elle-même...
La surprise est de taille lorsque l'on se trouve confronté à "Black Swan" !
Tout nous laissait en effet entendre que l'on aurait affaire à une sorte de mélodrame sur fond de rivalité dans le monde de la danse.
Et l'on se retrouve en fait face à un film d'horreur.
Ou du moins face à un thriller fantastique au moyeu psychologique, pour ne pas dire psychanalytique.
Et ce n'est pas le moindre atout de ce film que de surprendre presque à chaque instant.
Ce serait même son fond de commerce. Et donc sa force.
Car "Black Swan" est un grand film sur la schizophrénie, la frustration sexuelle, l'acceptation de soi et la quête de la perfection. Un film dont le fond est magnifié par la forme. Un thriller psychologique au final beaucoup plus noir que blanc, bien plus noir que ce qu'on l'on pourrait attendre de prime abord.
Et qui joue sur les rebondissements avec subtilité au gré d'un scénario éminemment retors.
Un scénario qui se paye le luxe de laisser croire au spectateur qu'il est plus malin que lui, tout en le manipulant d'un bout à l'autre.
Car elles sont nombreuses, les scènes au détour desquelles l'on se dit "c'est trop évident, il va se passer ça" pour finalement se retrouver cul par dessus tête.
Parfois parce que, évidemment, ce n'est pas du tout ce qui était prévu qui survient.
Parfois - et c'est forcément encore plus fort ! - parce que le truc téléphoné arrive bel et bien... mais pas du tout de la manière où l'on s'y attendait !
"Happiness is the road", disait l'autre... Et voilà qui se vérifie merveilleusement ici, dans une fable tragique et - donc - schizophrène, dont la force tant thématique que formelle laissent sans voix, émotionnellement à bout de souffle.
Car d'un point de vue plastique aussi, ça se pose un peu là.
Avec ce gros grain et cette caméra portée virevoletante (on reconnaît bien la patte du Aronofsky réalisateur, qui renvoie à ses précédents opus, "The Wrestler" compris, dont le message en forme de quête de rédemption n'est finalement pas si loin de celui délivré ici), cet usage forcené du plan "de dos" cher à nos frères Dardenne nationaux (dont Aronofsky, bizarrement, se réclame) ou cet art consommé du non-dit et du faux semblant (toutes les scènes dans le métro ou l'on se demande ce que l'on voit vraiment).
C'est virtuose, oui, car rarement une mise en scène et une mise en image auront à ce point été en adéquation avec le propos d'un film.
L'autre atout du film, évidemment, c'est sa cinéphilie jamais vaine et son sens de la citation, parfois appuyé, certes, mais toujours adéquat.
On pense à Polanski ("Le Locataire" ou "Rosemary'Baby", pour leur ambiance paranoïaque), Brian De Palma (la relation mère-fille de "Carrie" ou, bien entendu, "Phantom of Paradise", pour le côté "Fantôme de l'Opéra" déjanté).
Et puis, surtout - surtout ! - on pense à "Suspiria" de Dario Argento. Tant pour le thème et le décor (une école de danse dans "Suspiria" aussi) que pour la charge sexuelle contenue par le film et son esthétique générale, parfois à la limite d'un kitsch heureusement maîtrisé.
Quant à l'interprétation, nous ne devrons en retenir qu'une chose - et ce malgré l'excellence uniforme du casting (Kunis, Cassel, Hershey et surtout une étonnante Winona Ryder qui fait beaucoup en très peu de scène): c'est que c'est là probablement le rôle de la vie de Natalie Portman.
Celui qui changera tout pour elle, comme est venu le confirmer son récent et plus que mérité Oscar (à tout point de vue, d'ailleurs, puisque c'est sur le tournage qu'elle a rencontré le père de son futur enfant, l'acteur/chorégraphe très pertinemment nommé Benjamin Millepied).
Omniprésente, habitée, de manière permanente à la limite de la rupture, elle offre plus qu'une interprétation; carrément une performance !
De celles qui resteront gravées dans les mémoires et probablement aussi dans l'Histoire du 7ème Art.
C'est d'ailleurs grâce à elle, à l'issue d'une scène finale à vous arracher les yeux de la tête et les larmes du corps, que ce "Black Swan" peut-être parfois un peu too much, peut-être parfois un peu boursouflé, arrive in extremis* à acquérir ses quatre étoiles et son statut de première vraie grande baffe de ce début d'année.
Alors qu'est-ce qu'on dit ?
On dit bravo !
Cote: ****
(*Ou peut-être pas tant que ça, après tout...)
lundi 7 mars 2011
L'orthophonie du roi George*
"Le Discours d'un Roi" de Tom Hooper (UK); avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter, Guy Pearce, Timothy Spall, Michael Gambon...
Comment le fâlot prince Bertie, fragile, incapable de s'exprimer en public, gaucher contrarié affligé d'un bégaiement chronique devient presque à son insu et suite au décès de son père et à l'abdication de son frère Edward VIII, le roi George VI alors que rien ne l'y prédestinait. Et que plus d'un le considérait comme inapte. Et comment, grâce au soutien indéfectible de son épouse et aux méthodes peu communes d'un certain Lionel Logue, il va vaincre son handicap, assumer son rôle et prononcer un discours qui en fera le symbole de la Résistance face à l'Allemagne nazie.
Il n'y a rien à faire mais des films comme ceux-ci quelque part m'impressionnent.
Comment, à partir d'un argument aussi ténu que celui-là (un roi affligé d'un bégaiement qui voit un orthophoniste pour arriver à prononcer un discours), arriver à tirer par le truchement d'un scénario aussi finaud que redoutablement efficace un film qui finit par devenir une espèce de suspense mélodramatique qui vous tient en haleine jusqu'à la dernière seconde.
Parce que pour le reste, à part bien sûr l'interprétation, on peut quand même se poser une fois encore de judicieuses questions quant au bien fondé de la pluie d'Oscar qu'a récemment essuyé l'objet.
Colin Firth: bravo !
Jamais cet acteur au demeurant sympathique mais généralement un peu fade (à l'image de celui qu'il incarne ici) n'aura à ce point été adéquat et brillant, comme transcendé par son sujet.
Scénario: on vient de le dire plus haut, c'est amplement mérité.
Film et réalisation, c'est une autre histoire...
Peut-être aurait-on été plus avisé de récompenser la jeune génération (bien que Tom Hooper soit un jeune réalisateur, mais vous voyez ce que je veux dire) des Nolan, Fincher et consorts, tant il est vrai que de ce point de vue-là nous avons affaire à une sorte de chromo un peu figé et poussiéreux, académique, pour le moins. Et ce malgré quelques efforts (des gros plans en pagaille) un peu trop visibles pour être honnêtes...
Mais, on le sait, Hollywood est friand de ces drames historiques en costumes et de ces destins édifiants appuyés par des rôles "à canne".
Et il faut savoir en accepter les poncifs.
Non, si finesse il y a à trouver ici c'est dans l'écriture.
C'est intelligent et racé, tant dans le sous-texte politique maousse costaud (des magouilles pour évincer Edouard jusqu'à la symbolisation du discours final retransmit in extenso) que dans la description des moeurs encore très victoriennes d'une famille royale ultra-corseté dans laquelle les sentiments sont refoulés et la moindre différence effacée pûrement et simplement.
Et à ce titre, le parcours du jeune prince Albert-futur-George serait à la limite terrifiant si le film n'était pas également - so british, voyez-vous - soutenu par un humour quasi permanent et finalement salutaire, reposant en grande partie sur les épaules de Geoffrey Rush - en professeur Nimbus de la logopédie - et Helena Bonham Carter, en épouse aimante, dévouée et magnifiquement pince-sans-rire.
Alors, oui, bien sûr, celà use un peu trop de grosses ficelles émotionnelles (voir le découpage et l'habillage musical du discours final) pour être tout à fait honnête, c'est vrai.
Et puis c'est un peu limite niveau glorification de l'élite face à un peuple réduit à de la pure figuration.
Mais quand bien même est elle parfois un peu guimauve, cette habile célébration des noces de la petite et de la Grande Histoire, de l'intime et du plus-que-public, reste de bout en bout émouvante et passionnante.
Et son "message" sur le pouvoir des mots passe-t-il comme une lettre à la poste.
Même s'il aurait gagné à être un chouia plus appuyé.
Pas un vrai grand film, donc... Mais de la belle ouvrage, carrée et sans faux plis.
Ce qui en fin de compte est déjà beaucoup plus que ce qu'on en attendait.
Dont acte.
"Le Discours d'un Roi" de Tom Hooper (UK); avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter, Guy Pearce, Timothy Spall, Michael Gambon...
Comment le fâlot prince Bertie, fragile, incapable de s'exprimer en public, gaucher contrarié affligé d'un bégaiement chronique devient presque à son insu et suite au décès de son père et à l'abdication de son frère Edward VIII, le roi George VI alors que rien ne l'y prédestinait. Et que plus d'un le considérait comme inapte. Et comment, grâce au soutien indéfectible de son épouse et aux méthodes peu communes d'un certain Lionel Logue, il va vaincre son handicap, assumer son rôle et prononcer un discours qui en fera le symbole de la Résistance face à l'Allemagne nazie.
Il n'y a rien à faire mais des films comme ceux-ci quelque part m'impressionnent.
Comment, à partir d'un argument aussi ténu que celui-là (un roi affligé d'un bégaiement qui voit un orthophoniste pour arriver à prononcer un discours), arriver à tirer par le truchement d'un scénario aussi finaud que redoutablement efficace un film qui finit par devenir une espèce de suspense mélodramatique qui vous tient en haleine jusqu'à la dernière seconde.
Parce que pour le reste, à part bien sûr l'interprétation, on peut quand même se poser une fois encore de judicieuses questions quant au bien fondé de la pluie d'Oscar qu'a récemment essuyé l'objet.
Colin Firth: bravo !
Jamais cet acteur au demeurant sympathique mais généralement un peu fade (à l'image de celui qu'il incarne ici) n'aura à ce point été adéquat et brillant, comme transcendé par son sujet.
Scénario: on vient de le dire plus haut, c'est amplement mérité.
Film et réalisation, c'est une autre histoire...
Peut-être aurait-on été plus avisé de récompenser la jeune génération (bien que Tom Hooper soit un jeune réalisateur, mais vous voyez ce que je veux dire) des Nolan, Fincher et consorts, tant il est vrai que de ce point de vue-là nous avons affaire à une sorte de chromo un peu figé et poussiéreux, académique, pour le moins. Et ce malgré quelques efforts (des gros plans en pagaille) un peu trop visibles pour être honnêtes...
Mais, on le sait, Hollywood est friand de ces drames historiques en costumes et de ces destins édifiants appuyés par des rôles "à canne".
Et il faut savoir en accepter les poncifs.
Non, si finesse il y a à trouver ici c'est dans l'écriture.
C'est intelligent et racé, tant dans le sous-texte politique maousse costaud (des magouilles pour évincer Edouard jusqu'à la symbolisation du discours final retransmit in extenso) que dans la description des moeurs encore très victoriennes d'une famille royale ultra-corseté dans laquelle les sentiments sont refoulés et la moindre différence effacée pûrement et simplement.
Et à ce titre, le parcours du jeune prince Albert-futur-George serait à la limite terrifiant si le film n'était pas également - so british, voyez-vous - soutenu par un humour quasi permanent et finalement salutaire, reposant en grande partie sur les épaules de Geoffrey Rush - en professeur Nimbus de la logopédie - et Helena Bonham Carter, en épouse aimante, dévouée et magnifiquement pince-sans-rire.
Alors, oui, bien sûr, celà use un peu trop de grosses ficelles émotionnelles (voir le découpage et l'habillage musical du discours final) pour être tout à fait honnête, c'est vrai.
Et puis c'est un peu limite niveau glorification de l'élite face à un peuple réduit à de la pure figuration.
Mais quand bien même est elle parfois un peu guimauve, cette habile célébration des noces de la petite et de la Grande Histoire, de l'intime et du plus-que-public, reste de bout en bout émouvante et passionnante.
Et son "message" sur le pouvoir des mots passe-t-il comme une lettre à la poste.
Même s'il aurait gagné à être un chouia plus appuyé.
Pas un vrai grand film, donc... Mais de la belle ouvrage, carrée et sans faux plis.
Ce qui en fin de compte est déjà beaucoup plus que ce qu'on en attendait.
Dont acte.
Cote: ***
(*Oui, oh... Je sais...)
jeudi 3 mars 2011
Ah ! Ah ! Pas de bras...
"127 heures" (127 hours) de Danny Boyle (USA); avec James Franco, Clémence Poésy, Treat Williams, Kate Mara, Amber Tamblyn, Lizzy Caplan...
Aron Ralston, randonneur et alpiniste expérimenté, se met en route pour une randonnée dans les gorges de l'Utah. Habitué, aguerri, collectionneur des plus beaux sommets et des plus profonds canyons, il se filme mais, sur de lui, n'a prévenu personne. Pourtant, au hasard d'une gorge, il chute. Un rocher dégringole et lui coince le bras. Le voilà loin de toute civilisation, loin de tout passage, incapable de se dégager. Peu d'eau. Pas de nourriture. Comment va-t-il survivre ?
On se le demande.
Enfin non.
Car, comme on sait qu'il s'agit d'une histoire vraie, on devine depuis le début qu'il va s'en sortir.
La question est de savoir comment !
Enfin, non plus.
Parce que, vu la situation, à partir d'un moment, on s'en doute.
Et on s'en tape.
Oui.
Et donc, une fois qu'on a compris, on attend...
Et tout l'intérêt du film est là: savoir comment pendant cette heure et demie Danny Boyle va réussir à passer le temps et à retarder l'inéluctable.
Et là, le film prend l'eau et rapidement des allures d'anti-"Buried"...
Autant l'un faisait beaucoup avec pas grand chose, autant celui-ci multiplie les angles de fuite pour donner l'impression de remplir le temps et l'espace avec des ficelles, de l'artificiel, du clinquant... Du vide.
Et se perd dans les artifices, l'esbrouffe et la poudre aux yeux...
Flashbacks, rêves, hallucinations... Rien ne nous est épargné pour étendre le film à l'infini et se tirer des pattes afin de réussir un long métrage, là où 15 minutes auraient suffi à boucler l'affaire...
Et le problème, c'est que les subterfuges scénaristiques sont doublés d'autant de tour de passe-passe de mise en scène !
Et c'est là, évidemment, que Danny Boyle montre ses limites et devient une véritable caricature de lui-même.
Clipesque, pubesque, sa réalisation toute en effets à deux balles, montage frénétique et photo sursaturée donne le tournis, à défaut de concerner.
Ralentis, accélérés, filtres, travellings hystériques, sans oublier la sempiternelle musique ultra signifiante: tout est là pour vous fournir l'émotion clé en main et vous dire comment réagir - ou plutôt surréagir - au fil d'un film tellemment putassier qu'à côté de ça cette bouse techno-mélo de "Slumdog Millionaire" passerait encore pour un documentaire de Bergman sur une communauté de Jésuites bègues.
Bon, allez, wé: je m'emballe, j'éxagère...
Je l'avoue, je sais...
Mais allez ! ALLEZ !!!!!
Le pire, évidemment c'est que c'est efficace (mais traité comme ça, même une bio de Gabriel Ringlet par les Dardenne rendrait des points à "Tron - L'Héritage"*) et qu'on ne s'ennuie pas.
Vraiment pas.
On prend même vaguement du plaisir, par moment, à ce truc étrangement sado-maso, poppy et bièssement bourrin.
Mais allez, pour en arriver au climax multi-gore-docu médical BBC-Opinel style qui nous attend (on peut aussi et légitimement se demander quelle bizarre complaisance a poussé Danny Boyle à de telles extrémités sanguinolentes), on va pas dire que c'est le Chemin de Croix mais presque, quand même...
Hein ?
D'autant que, pour s'intéresser au destin d'un demi-débile égomaniaque adepte des sports extrèmes qui tombe dans un trou comme un baudet, faut déjà avoir lu les mémoires de l'Ours Benjamin dans le texte et en inuit, non ?
Oui, pour le moins...
Reste que, en dehors de tout celà, des invraisemblances et de la totale abscence d'enjeu, le film, encore une fois, n'est pas tout à fait honteux et présente un spectacle honnête, sur le plan du pur divertissemment bas du front et faussement concerné "écolo-bobo".
Et que James Franco, quasi seul à l'écran pendant tout le bouzin, ne fait pas honte à sa profession.
Loin de là.
Mais bon, de là à dire que c'est bien...
Y a de la marge, hein, les pépères... Y a de la marge !
Cote: *
(* Je n'en suis pas à une comparaison à la con près: non !)
"127 heures" (127 hours) de Danny Boyle (USA); avec James Franco, Clémence Poésy, Treat Williams, Kate Mara, Amber Tamblyn, Lizzy Caplan...
Aron Ralston, randonneur et alpiniste expérimenté, se met en route pour une randonnée dans les gorges de l'Utah. Habitué, aguerri, collectionneur des plus beaux sommets et des plus profonds canyons, il se filme mais, sur de lui, n'a prévenu personne. Pourtant, au hasard d'une gorge, il chute. Un rocher dégringole et lui coince le bras. Le voilà loin de toute civilisation, loin de tout passage, incapable de se dégager. Peu d'eau. Pas de nourriture. Comment va-t-il survivre ?
On se le demande.
Enfin non.
Car, comme on sait qu'il s'agit d'une histoire vraie, on devine depuis le début qu'il va s'en sortir.
La question est de savoir comment !
Enfin, non plus.
Parce que, vu la situation, à partir d'un moment, on s'en doute.
Et on s'en tape.
Oui.
Et donc, une fois qu'on a compris, on attend...
Et tout l'intérêt du film est là: savoir comment pendant cette heure et demie Danny Boyle va réussir à passer le temps et à retarder l'inéluctable.
Et là, le film prend l'eau et rapidement des allures d'anti-"Buried"...
Autant l'un faisait beaucoup avec pas grand chose, autant celui-ci multiplie les angles de fuite pour donner l'impression de remplir le temps et l'espace avec des ficelles, de l'artificiel, du clinquant... Du vide.
Et se perd dans les artifices, l'esbrouffe et la poudre aux yeux...
Flashbacks, rêves, hallucinations... Rien ne nous est épargné pour étendre le film à l'infini et se tirer des pattes afin de réussir un long métrage, là où 15 minutes auraient suffi à boucler l'affaire...
Et le problème, c'est que les subterfuges scénaristiques sont doublés d'autant de tour de passe-passe de mise en scène !
Et c'est là, évidemment, que Danny Boyle montre ses limites et devient une véritable caricature de lui-même.
Clipesque, pubesque, sa réalisation toute en effets à deux balles, montage frénétique et photo sursaturée donne le tournis, à défaut de concerner.
Ralentis, accélérés, filtres, travellings hystériques, sans oublier la sempiternelle musique ultra signifiante: tout est là pour vous fournir l'émotion clé en main et vous dire comment réagir - ou plutôt surréagir - au fil d'un film tellemment putassier qu'à côté de ça cette bouse techno-mélo de "Slumdog Millionaire" passerait encore pour un documentaire de Bergman sur une communauté de Jésuites bègues.
Bon, allez, wé: je m'emballe, j'éxagère...
Je l'avoue, je sais...
Mais allez ! ALLEZ !!!!!
Le pire, évidemment c'est que c'est efficace (mais traité comme ça, même une bio de Gabriel Ringlet par les Dardenne rendrait des points à "Tron - L'Héritage"*) et qu'on ne s'ennuie pas.
Vraiment pas.
On prend même vaguement du plaisir, par moment, à ce truc étrangement sado-maso, poppy et bièssement bourrin.
Mais allez, pour en arriver au climax multi-gore-docu médical BBC-Opinel style qui nous attend (on peut aussi et légitimement se demander quelle bizarre complaisance a poussé Danny Boyle à de telles extrémités sanguinolentes), on va pas dire que c'est le Chemin de Croix mais presque, quand même...
Hein ?
D'autant que, pour s'intéresser au destin d'un demi-débile égomaniaque adepte des sports extrèmes qui tombe dans un trou comme un baudet, faut déjà avoir lu les mémoires de l'Ours Benjamin dans le texte et en inuit, non ?
Oui, pour le moins...
Reste que, en dehors de tout celà, des invraisemblances et de la totale abscence d'enjeu, le film, encore une fois, n'est pas tout à fait honteux et présente un spectacle honnête, sur le plan du pur divertissemment bas du front et faussement concerné "écolo-bobo".
Et que James Franco, quasi seul à l'écran pendant tout le bouzin, ne fait pas honte à sa profession.
Loin de là.
Mais bon, de là à dire que c'est bien...
Y a de la marge, hein, les pépères... Y a de la marge !
Cote: *
(* Je n'en suis pas à une comparaison à la con près: non !)
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