lundi 4 juin 2007



Les mots bleus.

"Le Scaphandre et le Papillon" de Julian Schnabel (F); avec Mathieu Amalric, Marie-Josée Croze, Max von Sydow, Emmanuelle Seigner, Jean-Pierre Cassel, Emma de Caunes...

L'histoire vraie de Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef de Elle et dandy parisien qui, victime d'un accident vasculaire cérébral et atteint du locked-in syndrom, se retrouve entièrement paralysé, à l'exception de son oeil gauche.
Avec lequel il va pouvoir communiquer et entreprendre d'écrire un livre sur son expérience...

Pouvait-on rêver d'un sujet plus anti-cinématographique que ça?
Deux heures en compagnie d'un homme clignant de l'oeil pour expliquer qui'l ne peut plus rien faire d'autre.
Est-ce qu'on pouvait imaginer scénario plus tire-larmes, plus dégoulinant de pathos que cette histoire de jet-setteur à qui tout réussit et qui du jour au lendemain se retrouve réduit à l'état de légume?
Sans parler de l'effet produit sur son entourage, femme et enfants, vieux papa gâteux et amis larmoyants?
Imaginait-on histoire plus édifiante que celle de cet homme définitivement enfermé en lui-même et qui réussit à la force de la paupière à transcender son destin et à transformer son témoignage non seulement en livre à succès mais aussi quasiment en oeuvre d'art?

"Le Scaphandre et le Papillon", le film que tout le monde avait envie de détester!

Et pourtant!

Pourtant, le magnifique (et je pèse mes mots) film de Julian Schnabel parvient à éviter toutes les embuches, à contourner tous les écueils que le sujet pouvait avoir sournoisement semé sur sa route. Et à renvoyer d'un seul coup de cuiller-à-pot nos objections au placard.

Par sa réalisation d'abord!
Jamais, peut-être, rarement, sûrement, un film n'avait à ce point mérité de recevoir à Cannes le Prix de la Réalisation (enfin, "de la mise en scène" mais je trouve cet intitulé par trop réducteur).

Faisant foin tout maniérisme, Schnabel - dont il est bon de rappeler qu'il est peintre à l'origine - réussi à dynamiser la narration forcément atrophié de son récit en inventant mille et un stratagèmes stylistiques tous plus brillants les uns que les autres.
Sans jamais tomber dans la surenchère...

A ce titre, la première partie du film, toute en caméra subjective, est un véritable tour de force! Filtres, flous, image morcelée...
Pour le spectateur le challenge est permanent et le force à coller au plus près au récit intérieur de Bauby, le rendant presque intime de son évolution, du désespoir à la reprise de courage en passant par la résignation cynique.
Et c'est aussi ça la force du film: ne jamais s'accrocher à un parcours linéaire, ne jamais nous faire croire que l'on est face à un conte de la rédemption, exemplaire de par son courage et son dépassement de soi.
Bauby est un homme finalement comme un autre, à ce titre il se découragera, voudra même en finir, reprendra confiance, ressombrera pour mieux ressurgir. Et ainsi de suite.

Et en cela, la finesse de jeu de Mathieu Amalric, qui arrive à être crédible et à nous émouvoir même lorsqu'il apparait, l'oeil exorbité et la lippe pendante tel un improbable croisement entre Jean-Paul Sartre et une grenouille mutante, est pour beaucoup dans la réussite de l'entreprise.
Alliée à la subtilité de la voix off, elle allège fortement ce qui aurait pu sans cela devenir bien vite une sorte de gros cheesecake lelouchien écoeurant de tics et dégoulinant de bons sentiments.
Idem d'ailleurs pour l'humour, ravageur et omniprésent, que ce soit dans les réflexions cyniques de Bauby, l'ineptie des médecins ou les maladresses des proches pressés de trop bien faire.

Et quand, dans la seconde partie, la caméra est en quelque sorte forcée de prendre un peu de recul, un tant soit peu de hauteur afin de pouvoir faire évoluer le récit, c'est au diapason d'Amalric que l'ensemble du casting fait front pour garder le film en apesanteur.

Du magnifique ensemble d'actrices (Marie-Josée Croze, Anne Consigny et Emmanuelle Seigner en tête) aux seconds rôles masculins (Bankolé, Arestrup, Cassel, Chesnais, tous impeccables) en passant par l'immense, le gigantesque Max von Sydow qui arrive à nous tirer des larmes rien qu'avec un téléphone: tous se mettent au service de l'histoire avec une humilité et une justesse peu commune.

Fable, récit onirique aux multiples niveaux de lectures, réflexion sur le langage, sur la différence entre le parlé et l'écrit, sur la dépendance, la privation et le passage de témoin, "Le Scaphandre et le Papillon" est avant tout un film digne et d'une beauté rare.
De ceux que l'on emporte pour longtemps avec soi.

Eh oui - et tant pis pour ceux que ça défrise - je vous l'avais déja dit que j'étais une midinette...

Eh bien voila: je confirme!

Mais tant qu'on me donnera des films comme ça, j'assumerais.

Ca ira...

Oui, oui. Ca ira...

Côte: ***

2 commentaires:

Anonyme a dit…

no comment , je vois ça tous les jours

Cartman a dit…

Mouahahahahahahahahaha !!!!!