dimanche 17 juin 2007




Faster Pussycat, Kill Kill !!!

"Boulevard de la Mort" (Death Proof) de Quentin Tarantino (USA); avec Kurt Russell, Rosario Dawson, Rose McGowan, Zoe Bell, Mary-Elizabeth Winstead, Vanessa Ferlito...

Stuntman Mike, cascadeur balafré, se sert de son impressionnante "voiture de fonction" customisée, pour poursuivre et massacrer d'innocentes jeunes filles, faisant passer ses crimes pour de simples accidents de la route...
Mais quand il croise la route de Zoe et de ses copines, il doit se rendre à l'évidence: il est tombé sur plus fort que lui!

Vroom, vroom, badaboom!!!

Alors c'est simple: celui qui est capâble de s'ennuyer devant un film pareil est un monstre!
Pas possible autrement!

Pour tout dire, je crois bien que je ne m'étais plus autant marré au cinéma depuis... oh, facilement depuis "Kill Bill Vol. 1", tiens! Mouarf!

C'est bien simple: ce truc est un condensé de pur plaisir rock'n'roll, un vrai bijou traversé d'éclairs jouissifs de sous-culture trash, dans lequel se téléscopent absolument tout ce dont on a besoin pour passer un grand, un bon moment de PURE MINDELESS FUCKIN' FUN !!!

Des nanas bombasses qui boivent comme des cow-boys et jurent comme des charetiers, du gore, des poursuites en bagnoles purement hallucinantes, des cascades, des carambolages, Kurt Russell et sa tronche d'Elvis passé à l'attendrisseur, des dialogues au cordeau, de l'humour à cinq balles, du rock'n'roll, de la pure méchanceté et des citations en pagaille!

Tout ça réalisé avec un plaisir communicatif par un Tarantino au sommet de son art, multipliant les gimmicks (image et bande-son qui sautent, grésillements, soudain passage au noir et blanc) et les trouvailles de mise en scène, se servant de sa connaissance encyclopédique du cinéma pour rendre un hommage appuyé mais sincère à la série B de la fin des sixties à nos jours ("Point Limite Zéro", "Larry le Dingue, Mary la Garce", John Waters, Russ Meyer, les comics, j'en passe et des biens bonnes) et poussant le vice - ou le plaisir - jusqu'à s'auto-citer (Kurt Russell parlant de Big Kahuna Burger, le GSM de Rosario Dawson sonnant sur l'air de "Kill Bill", des choses du genre)!

Un "petit" film virtuose, riche en scènes d'anthologie (le meurtre de Rose McGowan, le premier "accident", la double poursuite finale), à la fois complètement en roue libre (ah ah!) et parfaitement maitrisé par un Quentin Tarantino visiblement décomplexé et sans doute moins poseur que jamais.

Oh! Bien sûr, le scénario tient sur un ticket de caisse de fin du mois chez Aldi, le film est parfois un peu trop bavard, voire verbeux et c'est pas avec ça qu'on va révolutionner le classement de la Cinémathèque, mais, nom de Djeu, quel mal y a-t-il à prendre de temps en temps le cinoche par le bout du pur et simple divertissement vrombissant, vulgaire et mal embouché?
Sous l'angle de la grande et joyeuse gaudriole garage rock mal rincée?

Rien, merci!

Alors, reléguons Angelopoulos et Bergman au placard pour l'été et profitons bêtement jusqu'au bout de ce petit missile teigneux, de sa reconstitution d'époque absolument mais alors pas du tout académique, de sa B.O. foutraque ("Laisse tomber les Filles" version April March, vous m'en direz des nouvelles!) et de son mauvais esprit communicatif!

Envoyons pèter les mauvais coucheurs poseurs qui trouvent "Death Proof" vain et creux tout autant que les théoriciens du 7ème art qui y voient une sorte d'objet pop-art ultime et remercions simplement M. Tarantino de nous avoir offert ces 105 minutes de pur bonheur maniaque et fétichiste.

L'équivalent cinématographique des Ramones ou de Motörhead...

Le film qui maltraite les élastiques de slip!

VROOOOAAAAAAAAAAAAARRRRRRRR !!!!!!!!!!!!!!!


Côte: ***

mardi 12 juin 2007



"My, that's a big one!"

"Zodiac" de David Fincher (USA); avec Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr., Mark Ruffalo, Chloe Sevigny, Brian Cox, Clea DuVall, Dermot Mulroney...

A la fin des années 60, un insaisissable tueur en série semait la terreur dans la région de San Francisco.
Narguant la presse et la police en essaimant les messages cryptés comme autant d'indices, le tueur - qui se surnommait lui-même "Zodiac" - s'appropria une trentaine de victimes et ne fût jamais capturé.
Trois hommes: le caricaturiste Robert Graysmith, le journaliste Paul Avery et le policier David Toschi on consacré une partie de leur vie à son impossible traque.

Ce qui frappe d'abord avec le nouveau film de David Fincher c'est à quel point son réalisateur semble avoir atteint une sorte de maturité.

Loin des poses adolescentes et des exercices de style brillants mais somme toute futiles qui faisaient le sel de ses premières productions, "Zodiac" se démarque de part son style quasi-documentaire et la fluidité de sa mise en scène.
Plus maitrisée que réellement "classique" (si ce n'est en opposition au caractère presque baroque de ses précédents opus, "Fight Club" en tête), celle-ci, magnifiée par la splendide photo crépusculaire d'Harris Savides, ménage bien évidemment quelques morceaux de bravoure à couper le souffle (le meurtre du taximan sur fond de soleil levant, pour n'en citer qu'un) mais frappe surtout par le fait que, pour une fois, elle se met entièrement au service de l'histoire plutôt que de la phagocyter...

Autre caractéristique du film: côté scénario, c'est riche. Très riche...

Autant être prévenu: mieux vaut ne pas aller voir ce film un lendemain de veille!
L'histoire est tellement dense, on est tellement bombardé d'informations durant toute la durée du mètrage qu'une seconde d'inattention suffit à faire perdre le fil.
Mais on est ultimement récompensé, tant l'histoire est passionante et tant la quête de vérité des protagonistes se révèle finalement contagieuse.
On en arrive presque à être aussi obsédé qu'eux par la découverte du coupable et de ses motivations.

La narration, très subtile, se focalise tour à tour sur chacun des trois enquêteurs mais moins dans une optique "rashomonienne" que dans une tentative de complémentarité, de synthèse des éléments découverts tout au long de l'enquête.
Et ce découpage permet paradoxalement de fluidifier l'histoire, chaque partie apportant son lot de révélations mais insufflant également son propre rythme.

La première, qui suit le reporter Paul Avery, est la plus purement documentaire, reconstituant minutieusement les premiers meurtres imputés au tueur, détaillant à la fois ses méthodes et sa psychologie et culminant au cours d'une hallucinante scène du kidnapping (encore un grand moment de découpage et de mise en scène).

La seconde, s'attachant cette fois au flic interprété par Ruffalo, fait légèrement tomber la tension pour mieux décrire les ravages psycholgiques subit par les enquêteurs et leur entourage (avec en filigrane déja, la déréliction du couple formé par Gyllenhaal et Sevigny).

La troisième et dernière, enfin, suivant le parcours de Graysmith (auteur des deux bouquins dont le film est inspiré) fait très habilement rebondir l'intrigue.
Le rythme s'accélère, vous clouant littéralement à votre fauteuil et multipliant les rebondissements jusqu'a un épilogue forcément frustrant.

Mais pas tant que ça!

Parce qu'autant règler tout de suite son compte à une rumeur persistante: "Zodiac" n'apporte forcément aucune réponse définitive à l'affaire (on n'assiste à aucune arrestation - et pour cause!) mais le film ne laisse pas pour autant le spectateur totalement sur sa faim.
S'appuyant comme déja précisé sur les livres de Robert Graysmith, il épouse forcément la thèse soutenue par celui-ci quant à l'identité du coupable.

Le fait que celui-ci ne fût pour autant jamais réellement inquiété (et même finalement blanchit par des tests ADN) ne fait que renforcer le côté palpitant et étrangement obsessionnel du récit.

"Etrange équipée au pays au royaume indécis de la curiosité et de la frustation " (la formule n'est pas de moi mais je la trouve suffisament belle que pour me permettre de la citer), "Zodiac" est un film fascinant, tant par la reconstitution méticuleuse de l'ambiance seventies (on pense beaucoup aux "Hommes du Président") que par ce qu'il révèle sur la nature humaine.

Ajoutons encore qu'avec un casting d'une telle excellence le film brille aussi bien évidemment par son interprétation: Jake Gyllenhaal et Robert Downey Jr. comme toujours, Mark Ruffalo comme jamais.
Et le reste suit, au quart de tour.

Au final, en embrassant une bonne part de l'imaginaire collectif (on cite entre autre "Dirty Harry", évidemment) et en ressucitant une forme passionnante de cinéma, Fincher se pose en digne successeur des grands maitres des années '70.

Et annonce le retour du vrai bon cinoche de genre(s). Celui qui les transcende.

Un cinéma qui chamboule, qui stimule... et qui réfléchit...

Côte: ***

mardi 5 juin 2007

Heroes and Icons...


(Sean Penn - b. 1960).

lundi 4 juin 2007



Les mots bleus.

"Le Scaphandre et le Papillon" de Julian Schnabel (F); avec Mathieu Amalric, Marie-Josée Croze, Max von Sydow, Emmanuelle Seigner, Jean-Pierre Cassel, Emma de Caunes...

L'histoire vraie de Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef de Elle et dandy parisien qui, victime d'un accident vasculaire cérébral et atteint du locked-in syndrom, se retrouve entièrement paralysé, à l'exception de son oeil gauche.
Avec lequel il va pouvoir communiquer et entreprendre d'écrire un livre sur son expérience...

Pouvait-on rêver d'un sujet plus anti-cinématographique que ça?
Deux heures en compagnie d'un homme clignant de l'oeil pour expliquer qui'l ne peut plus rien faire d'autre.
Est-ce qu'on pouvait imaginer scénario plus tire-larmes, plus dégoulinant de pathos que cette histoire de jet-setteur à qui tout réussit et qui du jour au lendemain se retrouve réduit à l'état de légume?
Sans parler de l'effet produit sur son entourage, femme et enfants, vieux papa gâteux et amis larmoyants?
Imaginait-on histoire plus édifiante que celle de cet homme définitivement enfermé en lui-même et qui réussit à la force de la paupière à transcender son destin et à transformer son témoignage non seulement en livre à succès mais aussi quasiment en oeuvre d'art?

"Le Scaphandre et le Papillon", le film que tout le monde avait envie de détester!

Et pourtant!

Pourtant, le magnifique (et je pèse mes mots) film de Julian Schnabel parvient à éviter toutes les embuches, à contourner tous les écueils que le sujet pouvait avoir sournoisement semé sur sa route. Et à renvoyer d'un seul coup de cuiller-à-pot nos objections au placard.

Par sa réalisation d'abord!
Jamais, peut-être, rarement, sûrement, un film n'avait à ce point mérité de recevoir à Cannes le Prix de la Réalisation (enfin, "de la mise en scène" mais je trouve cet intitulé par trop réducteur).

Faisant foin tout maniérisme, Schnabel - dont il est bon de rappeler qu'il est peintre à l'origine - réussi à dynamiser la narration forcément atrophié de son récit en inventant mille et un stratagèmes stylistiques tous plus brillants les uns que les autres.
Sans jamais tomber dans la surenchère...

A ce titre, la première partie du film, toute en caméra subjective, est un véritable tour de force! Filtres, flous, image morcelée...
Pour le spectateur le challenge est permanent et le force à coller au plus près au récit intérieur de Bauby, le rendant presque intime de son évolution, du désespoir à la reprise de courage en passant par la résignation cynique.
Et c'est aussi ça la force du film: ne jamais s'accrocher à un parcours linéaire, ne jamais nous faire croire que l'on est face à un conte de la rédemption, exemplaire de par son courage et son dépassement de soi.
Bauby est un homme finalement comme un autre, à ce titre il se découragera, voudra même en finir, reprendra confiance, ressombrera pour mieux ressurgir. Et ainsi de suite.

Et en cela, la finesse de jeu de Mathieu Amalric, qui arrive à être crédible et à nous émouvoir même lorsqu'il apparait, l'oeil exorbité et la lippe pendante tel un improbable croisement entre Jean-Paul Sartre et une grenouille mutante, est pour beaucoup dans la réussite de l'entreprise.
Alliée à la subtilité de la voix off, elle allège fortement ce qui aurait pu sans cela devenir bien vite une sorte de gros cheesecake lelouchien écoeurant de tics et dégoulinant de bons sentiments.
Idem d'ailleurs pour l'humour, ravageur et omniprésent, que ce soit dans les réflexions cyniques de Bauby, l'ineptie des médecins ou les maladresses des proches pressés de trop bien faire.

Et quand, dans la seconde partie, la caméra est en quelque sorte forcée de prendre un peu de recul, un tant soit peu de hauteur afin de pouvoir faire évoluer le récit, c'est au diapason d'Amalric que l'ensemble du casting fait front pour garder le film en apesanteur.

Du magnifique ensemble d'actrices (Marie-Josée Croze, Anne Consigny et Emmanuelle Seigner en tête) aux seconds rôles masculins (Bankolé, Arestrup, Cassel, Chesnais, tous impeccables) en passant par l'immense, le gigantesque Max von Sydow qui arrive à nous tirer des larmes rien qu'avec un téléphone: tous se mettent au service de l'histoire avec une humilité et une justesse peu commune.

Fable, récit onirique aux multiples niveaux de lectures, réflexion sur le langage, sur la différence entre le parlé et l'écrit, sur la dépendance, la privation et le passage de témoin, "Le Scaphandre et le Papillon" est avant tout un film digne et d'une beauté rare.
De ceux que l'on emporte pour longtemps avec soi.

Eh oui - et tant pis pour ceux que ça défrise - je vous l'avais déja dit que j'étais une midinette...

Eh bien voila: je confirme!

Mais tant qu'on me donnera des films comme ça, j'assumerais.

Ca ira...

Oui, oui. Ca ira...

Côte: ***