mercredi 29 février 2012


Dormez, braves gens...

"Malveillance" (Mientras Duermes) de Jaume Balaguero (S); avec Luis Tosar, Marta Etura, Alberto San Juan, Iris Almeida, Pep Tosar, Petra Martinez...

Cesar est un gardien d'immeuble exemplaire. Toujours disponible, toujours efficace, toujours discret, toujours prêt à rendre service. Trop discret, peut-être... Et trop efficace. Surtout quand il s'agit de s'immiscer dans la vie des locataires, de les épier, de s'employer à leur pourrir la vie. Et en particulier celle de Clara, sur laquelle il s'acharne jusqu'à l'obsession.

Eh bien c'est plutôt une bonne nouvelle, Jaume Balaguero est de retour en solo après un petit peu trop de temps passé à tourner des [REC] hystériques en compagnie de son petit copain Paco Plaza (il compte néanmoins s'y recoller pour le quatrième et - espère-t-on - ultime épisode. En solo, cette fois).

Et il est de retour avec un film qui pourrait peut-être le remettre sur la carte des réalisateurs espagnols qui comptent mais dont les débuts prometteurs semblent somme toute bien lointains.

Après une "Secte sans Nom" d'excellente facture (Corbeau d'Or au Bifff), il avait en effet enquillé avec "Darkness" (bien), puis "Fragile" (moins bien) et enfin les [REC] déjà cités (pas bien du tout).

On désespérait donc un peu quand, alors qu'il était sorti par la fenêtre, le voilà donc qui revient inopinément par la porte avec sous le bras ce "Malveillance", thriller sous influence hitchcockienne avec détour par la case De Palma - le disciple - le baroque ostentatoire en moins.

Et le résultat est plutôt plaisant, savez-vous ?

Sobre et évitant globalement la surenchère, ce qui est plutôt un atout pour ce genre de film, "Malveillance" est une sorte de petit bijou d'épouvante et de suspense pervers qui se construit subtilement à la manière d'une toile d'araignée emprisonnant petit à petit le spectateur, tout en l'empêchant de choisir son camp entre le persécuteur et les persécutés.

Et se permettant quand même quelques morceaux de bravoure (dont on ne dira évidemment rien).

Paranoïaque, claustrophobe, le film - qui évoque aussi "Le Locataire" de Polanski ou les maisons qui hantent certains films de Dario Argento - déroule une tension qui va crescendo jusqu'à un final terrifiant et bouleversant qui risque de faire grincer pas mal de dents, surtout dans la frange féminine de ses spectateurs.

Bon, évidemment, tout n'est pas aussi parfait que l'on pourrait le croire à la lecture de ci-plus haut. Il y a une ou deux longueurs dues essentiellement aux intrigues parallèles et quelques passages pour le moins capillotractés.

Mais dans l'ensemble ça tient son rang et plutôt pas mal.

Et en plus c'est servi par l'un des acteurs espagnols les plus impressionnants du moment: l'excellent Luis Tosar, déjà plus que remarqué dans le fort bon "Cellule 211" de Daniel Monzon.

Déroulant une mécanique implacable, savant dosage de grammaire fantastique classique typique du film d'horreur contemporain et d'observation clinique du quotidien, "Malveillance", sans être un chef-d'oeuvre, reste l'un des meilleurs films de genre européens vus de mémoire récente.

Et propose mine de rien une bonne petite flippe, tiens.

Cote: **1/2 (oui, j'ai décidé de mettre des demis étoiles, de temps à autres).


mardi 28 février 2012


Il y en a un peu plus, j'vous l'mets ?

Ouaiche, donc j'ai encore pris un retard de fou par rapport au Gabouille cette fois-ci pour cause de déménagement à la cloche de bois (et accessoirement de concerts en rafales).

Donc, vous m'excuserez mais, pour pouvoir passer plus rapidement à la suite des critiques (parce qu'aller au cinoche, ça je sais faire, oui) je vais vous torcher en vitesse le compte-rendu des deux cérémonies annuelles...

Enfin, "compte-rendu"...

Je vais plutôt vous donner mes résultats parce que, pour ce qui est des cérémonies en elles-mêmes il n'y a, comme d'habitude, pas grand chose à en dire: celle des César était comme de coutume chiante et décousue (on ne retiendra que la lourdeur habituelle de Mathilde Seigner venue remettre le César du Meilleur Second Rôle - à Michel Blanc, donc - et réclamant à Joey Starr de monter sur scène car, d'après elle c'était lui qui le méritait et la vraie joie de l'inattendu Omar Sy, César du Meilleur Acteur, qui tranchait avec le côté un peu compassé du reste) et celle des Oscar diffusée tellement tard (ou tôt, après tout) qu'elle en devenait invisible.

Donc alors de qui de quoi ????

Eh bien nul n'est prophète en son pays et les franskilioens m'ont eu, une fois de plus, en votant à l'envers puisque, contre toute attente, l'ultra-favori Jean Dujardin, si il a bien obtenu l'Oscar, a vu le César lui passer sous le nez au profit de l'intouchable Omar Sy, comme dit plus haut, tandis que Bérénice Bejo, elle, repartait (grand bien lui fasse mais je ne l'attendais pas) avec la statuette de la Meilleure Actrice.
Rajoutez à ça le Meilleur Second Rôle à Carmen Maura et des récompenses étonnantes dans les catégories "jeunes" (dont un ex-aequo pour le César du Meilleur Jeune Espoir Féminin) et je me retrouve, sauvé comme l'an dernier par les outsiders, avec un minable 5 sur 12.

En gros, j'ai bon (je vous en prie) dans les catégories Film, Réalisateur, Film Etranger et Film d'Animation et Michel Blanc (Second Rôle) et Clotilde Hesme (Espoir) me font gagner un point supplémentaire.
Pour le reste, plantage intégral.

Les Oscar, quant à eux, on fait dans le classique, l'indéboulonnable et le sans surprise, me permettant de réaliser un quasi sans faute: je ne me suis trompé tout à fait que pour l'Oscar du Film d'Animation (allé à "Rango" et non au "Chat Potté") et partiellement pour le Second Rôle Féminin (l'outsider Octavia Spencer l'emportant sur la favorite Jessica Chastain, nominée pour le même film) et le réal.

Résultat des courses ? Un bon 6 sur 8, merci.

Et à part ça ?
A part ça je suis content aussi pour Michel Blanc, Carmen Maura et Christopher Plummer et c'est à peu près tout.

En attendant l'année prochaine, hein...

lundi 6 février 2012


La fille à la moto.

"Millenium - Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes" (The Girl with the Dragon Tattoo) de David Fincher (USA); avec Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Robin Wright, Stellan Skarsgard, Joely Richardson...

Mikael Blomkvist, journaliste d'investigation récemment tombé en disgrâce, est engagé par le magnat à la retraite Henrik Vanger. Officiellement pour écrire ses mémoires. Officieusement pour enquêter sur la disparition de sa nièce Harriet, volatilisée de l'île familiale depuis une quarantaine d'années et dont Vanger est persuadé qu'elle a été assassinée par un membre de sa famille. Lisbeth Salander, de son côté, est une jeune femme rebelle et perturbée, doublée d'une enquêtrice hors-pair, as de l'informatique. Embauchée initialement pour se renseigner sur Blomkvist pour le compte du même Vanger, elle est amenée à faire équipe avec le journaliste lors de ses investigations. Ensemble, ils vont se plonger dans un monde trouble, ou perversions, scandales financiers, haines familiales et relents de nazisme se mêlent sur fond de multiples meurtres...

Décidément, être stakhanoviste et paraît-il maniaque du contrôle semble aller au teint de notre ami David Fincher, qui signe ici son neuvième succès de rang.

Neuf films, pas une seule fausse note, qui dit mieux, on se le demande ?

Alternant de son propre aveu les "oeuvres ambitieuses" et plus personnelles avec d'autres plutôt grand public (qu'il partage lui-même en "films" d'un côté et "movies" de l'autre) il signe ici une sorte de parfait mélange des deux, un film au cul entre deux chaises sans être batard pour autant.
Du grand divertissement qui ne néglige ni le fond, ni la forme.

Et pourtant, une fois encore, ça ne partait pas gagnant.

J'ai lu le bouquin, j'ai vu le film scandinave original, je suis fan de Noomi Rapace...

Bref...

Tout ici sentait le réchauffé, la redite et le soufflé retombé avant même d'avoir commencé à gonfler.
D'autant que les choix du réalisateur (garder l'intrigue située en Suède, avec des personnages suédois joués en anglais par une distribution cosmopolite, pour commencer) et ses déclarations à l'emporte-pièce sur le non respect de la résolution finale (Sacrilège ! Mais que les fans de Stieg Larsson se rassurent, le film de Fincher est au final peut-être plus fidèle au roman que celui de Niels Arden Oplev, à quelques aménagements près) donnaient du grain à moudre, pour le moins.

Mais bon, voilà. David Fincher reste David Fincher.
Et force est d'admettre qu'il n'a pas son pareil pour poser une ambiance - et celle de "Millenium" est anxiogène et glauque à souhait - et mener tambour battant un thriller noir, nerveux et d'un suspense haletant.

Pour son retour au film de serial-killer (après les cultissimes "Seven" et "Zodiac"), il signe un film puissant et nerveux, fétichiste presque, traversé qu'il est - entre autres - de clins d'oeil hitchcockiens, servi par une mise en scène vertigineuse, un montage d'une fluidité infernale et des personnages qui font leurs choux gras du charisme de leurs interprêtes.
A moins que ce ne soit finalement le contraire.

Car, de ce point de vue-là, il est bon de souligner l'intensité surprenante de l'interprétation de la jeune Rooney Mara qui campe ici une Lisbeth Salander tellement trouble et attachante qu'elle en finirait presque (je dis bien "presque") par faire oublier l'incarnation inaugurale de la pourtant très douée Noomi Rapace.
Ce qui n'est pas peu dire.
Les seconds rôles (aux premiers rangs desquels Christopher Plummer, Stellan Skarsgard et Robin Wright) sont à l'avenant et c'est bien simple: même le généralement monolithique Daniel Craig arrive à ce que l'on s'intéresse de plus près à "son" Mikael Blomkvist.
Ce qui n'est d'ailleurs pas rien non plus, quand on y pense.

Résultat: cette "meilleure version de "Millenium" ever", qui vous scotche dès le très jamesbondien générique d'ouverture nappé par la partition de Trent Reznor et Atticus Ross, viscérale et électrisante, provoque une réaction qui est la marque des grands films: à peine sorti de la salle on a envie d'y retourner !


Cote: ****