dimanche 25 juillet 2010


On the road encore...

"Tournée" de Mathieu Amalric (F); avec Mathieu Amalric, Mimi LeMeaux (Miranda Coclasure), Dirty Martini (Linda Maracini), Julie Atlas Muz (Julie Ann Muz), Kitten on the Keys (Suzanne Ramsey), Evie Lovelle (Angela de Lorenzo)...

Joachim Zand, producteur télé à succès avait tout plaqué à l'aube de la quarantaine pour aller refaire sa vie aux Etats-Unis. De retour en France, il tente sa chance avec une tournée de strip-teaseuses "New Burlesque" à qui il fait miroiter le rêve parisien. De ville en ville, de TGV en hôtels miteux, la petite troupe dynamite la grisaille quotidienne par ses frasques, ses numéros hors du commun et son attitude bigger than life. Mais hélas, le fantasme parisien vole en éclat après que la trahison d'un ami ait fait perdre à Joachim la salle où ils étaient censés se produire. Contraint de laisser les filles continuer seules, le manager monte à la capitale afin de trouver une solution. Quitte à rouvrir de vieilles plaies, à raviver de vieilles rancoeurs.

Mathieu Amalric est décidément un homme précieux. Et cela à bien des points de vues.

Acteur d'exception, omniprésent actuellement dans le paysage cinématographique français - à la manière d'un Kad Merad, oui, si on veut, mais dans un tout autre registre - et internationale (d'aucuns se souviennent essentiellement de lui pour avoir été le méchant du plus récent James Bond mais il fût aussi de "Munich" ou de "Marie-Antoinette"), multi-primé; à Cannes ou aux Césars (trois à ce jour dont deux en tant que Meilleur Acteur, ce qui n'est quand même pas rien), il vient donc ses derniers jours se rappeler à notre bon souvenir porteur d'une tout autre casquette - jusqu'ici plus discrète - celle de réalisateur...

Discrète, oui.

Tellement discrète, même, que deux de mes bons camarades pourtant avertis (pour ne pas dire cinéphiles, le mot serait trop fort) et qui plus est fans du bonhomme, ignoraient tout de cette activité.
Faut dire aussi que ces trois - oui, trois ! - précédent efforts en la matière* n'avaient pas non plus pulverisé les plafonds du box office - et ce n'est là rien moins qu'un délicat euphémisme.

Gageons que, même si sa nature et sa facture même ne le destinent probablement pas à faire les grandes heures du prime time de TF1 et donc à rencontrer un fier et franc succès public, il en ira néanmoins autrement pour ce nouvel opus, qu'un opportun Prix de la Réalisation cannois aura au moins eu le mérite de mettre sur la carte, comme on dit.

Et c'est plutôt tant mieux, bien sûr, car le nouvel Amalric-réalisateur est un film étonnant et attachant, qui fait souffler un vent de fraîcheur salvateur pétri de sensualité made in USA sur le cinéma d'auteur français.
Une sorte de road-movie (ou plutôt de train-movie, après tout) mélancolique qui dessine habilement en filigrane de petites histoires drôles et touchantes, infiniment humaines, qui se cachent derrière les - brillants ! - numéros de cabaret de ces dames.
Des protos-intrigues, des mini-rencontres, quelques fulgurances dont la générale et rutilante réussite emballent le tout dans un manteau de générosité qui achève de vous faire chaud au coeur...
La scène de la station-service, celle du supermarché ou de l'hôpital, autant de vignettes alliant poésie, humour et insolence qui relèvent singulièrement le goût de ce cocktail étrange mais enivrant, dont la recette ne se livrera pas si facilement qu'on le croit.

Evidemment, les Dirty Martini, Mimi LeMeaux et autres Kitten on the Keys, dans leur propres rôles et aux commandes de numéros dont on ne soulignera jamais assez l'excellence, sont les véritables - et troublantes - stars de ce film, véritable plaidoyer pour l'abolition des frontières entre les sexes.
Mais il ne faudrait pas pour autant laisser au bord du chemin le Amalric-acteur, campant avec finesse ce faux organisateur dépassé par les événements, dont l'apparent manque de contrôle sur le fil des choses résonne comme une métaphore de son propre cinéma.

Un cinéma hors norme comme le prouve assez bien ce conte surréaliste et foutraque qui au final - et malgré l'une ou l'autre baisses de rythme - se vit assez intensément.

Jusqu'à son coda optimiste et abrupt. De ceux qui impressionnent durablement la rétine.


Cote: ***

samedi 10 juillet 2010


Fous ta capuche !

"Robin des Bois" (Robin Hood) de Ridley Scott (USA); avec Russell Crowe, Cate Blanchett, William Hurt, Max von Sydow, Mark Strong, Oscar Isaac...

Au tournant du XIIIè siècle, Robin Longstride, archer dans l'armée du roi Richard Coeur de Lion, rentre de croisade pour voir son souverain mourir lors du siège d'un chateau français. De retour en Angleterre après avoir usurpé l'identité d'un chevalier défunt il se retrouve à Nottingham où il ne peut que constater l'étendue de la corruption qui ronge le pays, gouverné par le prince Jean, despote plus concerné par son enrichissement personnel que par le bien de son peuple. Trouvant une alliée en la personne de Lady Marianne, Robin rentre alors en résistance dans un royaume qui plus est menacée par les vues expansionnistes du souverain français.

Allez, courage !

Avant de passer à des films bien plus intéressants (en commençant par le très estimable "Tournée" de l'ami Amalric), expédions la seconde partie de ce dyptique sur les blockbusters à propos desquels il n'y a rien ou du moins pas grand chose à dire...

Encore que, ici, le problème soit différent tant il est vrai que, par rapport à un "Iron Man 2" par exemple, ce "Robin des Bois" somme toute pas honteux du tout - loin s'en faut même - brille au moins par une chose: il est doté d'un vrai point de vue, d'un véritable "angle d'attaque".

Ce qui est quand même déjà pas mal, faut bien l'avouer.

Car en effet le film de Ridley Scott se présente assez curieusement comme une préquelle à l'histoire du bandit au grand coeur.
Une sorte d'introduction, de prologue, qui s'arrête là où la plupart des autres films sur le sujet (de ceux de Douglas Fairbanks à celui de Kevin Costner en passant par ceux d'Errol Flynn, de Sean Connery ou par la version animalière de Walt Disney) ne font que commencer.

D'où la drôle d'impression, pendant une bonne partie de la chose, d'assister tout à fait à une autre histoire, même si celle-ci est parsemée de bornes bien reconnaissables (Petit Jean, le frère Tuck, le shériff de Nottingham...).
Et c'est bien évidemment cette approche pour le moins singulière qui fait le sel de cette énième adaptation de la légende, pour le reste à ranger dans la catégorie des films d'aventures "classiques mais efficaces".

Alors oui, c'est sûr, on ne s'ennuie pas.

Car il faut bien avouer que quand il s'agit de donner dans la fresque épique et la cavalcade chevaleresque, Ridley Scott est loin d'être la dernière des fillettes.
Et puis, le film contient suffisamment de retournements de situations, d'intrigues de cours, de méchants complotant dans les coins et autres traitres infâmes pour tenir en haleine pendant ses deux bonnes grosses heures et vingt minutes compactes et bien tassées.
Que la reconstitution d'époque est convenable (et que la vision que l'on donne de l'époque semble finalement plus accurate - quoi que* - que dans pas mal de productions du genre - même si cela reste somme toute et avant tout de la bonne grosse et épaisse sousoupe américaine).
Et que l'interprétation tient la route même si le brave Russell est un brin monolithique et que Cate Blanchett est obligé de faire avec ce qu'on lui donne, soit un personnage de "mère-courage" (c'est une façon de parler) somme toute bien caricatural.
Le compte étant à aller chercher dans les seconds rôles (un von Sydow cabot, un Mark Strong itou et surtout la paire Danny Huston/Oscar Isaac qui fait des étincelles dans "le" rôle de la fratrie ennemie Richard Coeur de Lion/Jean sans Terre).

Bref bref, l'un dans l'autre un spectacle estival sympathique et estimable qui revisite un mythe de façon honorable et qui divertit sans coup férir à défaut de fournir un vrai, grand moment de cinéma, de ceux que l'on pourrait qualifier d'inoubliables.

Mais comme après tout on ne lui demandait rien d'autre, hein... Voili voilou, c'est déjà très bien comme ça.


Cote: **


(*oui, "quoi que"... Après tout l'action de la légende d'Hereward l'Exilé, sans doute à l'origine de celle de Robin des Bois, se situe quand même un bon siècle avant les règnes de Richard Coeur de Lion et de Jean sans Terre. Bref...)