On the road encore...
"Tournée" de Mathieu Amalric (F); avec Mathieu Amalric, Mimi LeMeaux (Miranda Coclasure), Dirty Martini (Linda Maracini), Julie Atlas Muz (Julie Ann Muz), Kitten on the Keys (Suzanne Ramsey), Evie Lovelle (Angela de Lorenzo)...
Joachim Zand, producteur télé à succès avait tout plaqué à l'aube de la quarantaine pour aller refaire sa vie aux Etats-Unis. De retour en France, il tente sa chance avec une tournée de strip-teaseuses "New Burlesque" à qui il fait miroiter le rêve parisien. De ville en ville, de TGV en hôtels miteux, la petite troupe dynamite la grisaille quotidienne par ses frasques, ses numéros hors du commun et son attitude bigger than life. Mais hélas, le fantasme parisien vole en éclat après que la trahison d'un ami ait fait perdre à Joachim la salle où ils étaient censés se produire. Contraint de laisser les filles continuer seules, le manager monte à la capitale afin de trouver une solution. Quitte à rouvrir de vieilles plaies, à raviver de vieilles rancoeurs.
Mathieu Amalric est décidément un homme précieux. Et cela à bien des points de vues.
Acteur d'exception, omniprésent actuellement dans le paysage cinématographique français - à la manière d'un Kad Merad, oui, si on veut, mais dans un tout autre registre - et internationale (d'aucuns se souviennent essentiellement de lui pour avoir été le méchant du plus récent James Bond mais il fût aussi de "Munich" ou de "Marie-Antoinette"), multi-primé; à Cannes ou aux Césars (trois à ce jour dont deux en tant que Meilleur Acteur, ce qui n'est quand même pas rien), il vient donc ses derniers jours se rappeler à notre bon souvenir porteur d'une tout autre casquette - jusqu'ici plus discrète - celle de réalisateur...
Discrète, oui.
Tellement discrète, même, que deux de mes bons camarades pourtant avertis (pour ne pas dire cinéphiles, le mot serait trop fort) et qui plus est fans du bonhomme, ignoraient tout de cette activité.
Faut dire aussi que ces trois - oui, trois ! - précédent efforts en la matière* n'avaient pas non plus pulverisé les plafonds du box office - et ce n'est là rien moins qu'un délicat euphémisme.
Gageons que, même si sa nature et sa facture même ne le destinent probablement pas à faire les grandes heures du prime time de TF1 et donc à rencontrer un fier et franc succès public, il en ira néanmoins autrement pour ce nouvel opus, qu'un opportun Prix de la Réalisation cannois aura au moins eu le mérite de mettre sur la carte, comme on dit.
Et c'est plutôt tant mieux, bien sûr, car le nouvel Amalric-réalisateur est un film étonnant et attachant, qui fait souffler un vent de fraîcheur salvateur pétri de sensualité made in USA sur le cinéma d'auteur français.
Une sorte de road-movie (ou plutôt de train-movie, après tout) mélancolique qui dessine habilement en filigrane de petites histoires drôles et touchantes, infiniment humaines, qui se cachent derrière les - brillants ! - numéros de cabaret de ces dames.
Des protos-intrigues, des mini-rencontres, quelques fulgurances dont la générale et rutilante réussite emballent le tout dans un manteau de générosité qui achève de vous faire chaud au coeur...
La scène de la station-service, celle du supermarché ou de l'hôpital, autant de vignettes alliant poésie, humour et insolence qui relèvent singulièrement le goût de ce cocktail étrange mais enivrant, dont la recette ne se livrera pas si facilement qu'on le croit.
Evidemment, les Dirty Martini, Mimi LeMeaux et autres Kitten on the Keys, dans leur propres rôles et aux commandes de numéros dont on ne soulignera jamais assez l'excellence, sont les véritables - et troublantes - stars de ce film, véritable plaidoyer pour l'abolition des frontières entre les sexes.
Mais il ne faudrait pas pour autant laisser au bord du chemin le Amalric-acteur, campant avec finesse ce faux organisateur dépassé par les événements, dont l'apparent manque de contrôle sur le fil des choses résonne comme une métaphore de son propre cinéma.
Un cinéma hors norme comme le prouve assez bien ce conte surréaliste et foutraque qui au final - et malgré l'une ou l'autre baisses de rythme - se vit assez intensément.
Jusqu'à son coda optimiste et abrupt. De ceux qui impressionnent durablement la rétine.
Cote: ***
"Tournée" de Mathieu Amalric (F); avec Mathieu Amalric, Mimi LeMeaux (Miranda Coclasure), Dirty Martini (Linda Maracini), Julie Atlas Muz (Julie Ann Muz), Kitten on the Keys (Suzanne Ramsey), Evie Lovelle (Angela de Lorenzo)...
Joachim Zand, producteur télé à succès avait tout plaqué à l'aube de la quarantaine pour aller refaire sa vie aux Etats-Unis. De retour en France, il tente sa chance avec une tournée de strip-teaseuses "New Burlesque" à qui il fait miroiter le rêve parisien. De ville en ville, de TGV en hôtels miteux, la petite troupe dynamite la grisaille quotidienne par ses frasques, ses numéros hors du commun et son attitude bigger than life. Mais hélas, le fantasme parisien vole en éclat après que la trahison d'un ami ait fait perdre à Joachim la salle où ils étaient censés se produire. Contraint de laisser les filles continuer seules, le manager monte à la capitale afin de trouver une solution. Quitte à rouvrir de vieilles plaies, à raviver de vieilles rancoeurs.
Mathieu Amalric est décidément un homme précieux. Et cela à bien des points de vues.
Acteur d'exception, omniprésent actuellement dans le paysage cinématographique français - à la manière d'un Kad Merad, oui, si on veut, mais dans un tout autre registre - et internationale (d'aucuns se souviennent essentiellement de lui pour avoir été le méchant du plus récent James Bond mais il fût aussi de "Munich" ou de "Marie-Antoinette"), multi-primé; à Cannes ou aux Césars (trois à ce jour dont deux en tant que Meilleur Acteur, ce qui n'est quand même pas rien), il vient donc ses derniers jours se rappeler à notre bon souvenir porteur d'une tout autre casquette - jusqu'ici plus discrète - celle de réalisateur...
Discrète, oui.
Tellement discrète, même, que deux de mes bons camarades pourtant avertis (pour ne pas dire cinéphiles, le mot serait trop fort) et qui plus est fans du bonhomme, ignoraient tout de cette activité.
Faut dire aussi que ces trois - oui, trois ! - précédent efforts en la matière* n'avaient pas non plus pulverisé les plafonds du box office - et ce n'est là rien moins qu'un délicat euphémisme.
Gageons que, même si sa nature et sa facture même ne le destinent probablement pas à faire les grandes heures du prime time de TF1 et donc à rencontrer un fier et franc succès public, il en ira néanmoins autrement pour ce nouvel opus, qu'un opportun Prix de la Réalisation cannois aura au moins eu le mérite de mettre sur la carte, comme on dit.
Et c'est plutôt tant mieux, bien sûr, car le nouvel Amalric-réalisateur est un film étonnant et attachant, qui fait souffler un vent de fraîcheur salvateur pétri de sensualité made in USA sur le cinéma d'auteur français.
Une sorte de road-movie (ou plutôt de train-movie, après tout) mélancolique qui dessine habilement en filigrane de petites histoires drôles et touchantes, infiniment humaines, qui se cachent derrière les - brillants ! - numéros de cabaret de ces dames.
Des protos-intrigues, des mini-rencontres, quelques fulgurances dont la générale et rutilante réussite emballent le tout dans un manteau de générosité qui achève de vous faire chaud au coeur...
La scène de la station-service, celle du supermarché ou de l'hôpital, autant de vignettes alliant poésie, humour et insolence qui relèvent singulièrement le goût de ce cocktail étrange mais enivrant, dont la recette ne se livrera pas si facilement qu'on le croit.
Evidemment, les Dirty Martini, Mimi LeMeaux et autres Kitten on the Keys, dans leur propres rôles et aux commandes de numéros dont on ne soulignera jamais assez l'excellence, sont les véritables - et troublantes - stars de ce film, véritable plaidoyer pour l'abolition des frontières entre les sexes.
Mais il ne faudrait pas pour autant laisser au bord du chemin le Amalric-acteur, campant avec finesse ce faux organisateur dépassé par les événements, dont l'apparent manque de contrôle sur le fil des choses résonne comme une métaphore de son propre cinéma.
Un cinéma hors norme comme le prouve assez bien ce conte surréaliste et foutraque qui au final - et malgré l'une ou l'autre baisses de rythme - se vit assez intensément.
Jusqu'à son coda optimiste et abrupt. De ceux qui impressionnent durablement la rétine.
Cote: ***