
Cours, Jamal, cours!
"Slumdog Millionaire" de Danny Boyle (UK); avec Dev Patel, Freida Pinto, Irfan Khan, Anil Kapoor, Madhur Mittal, Mia Drake...
Jamal Malik, 18 ans, orphelin, à peine sorti des bidonvilles de Mumbai est sur le point de gagner une somme colossale en participant à la version indienne de "Qui veut gagner des millions?" lorsque la police l'arrête, le soupçonnant de tricher. Jamal va alors raconter sa vie, justifiant par là ses étonnantes connaissances.
Tcheu, dis! Quelle déception!
Attention! Pas que "Slumdog Millionaire" soit vraiment un mauvais film, non. Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit! C'est même plutôt un honnête divertissement, au cours duquel on ne s'ennuie pas vraiment (mais où on ne s'amuse pas toujours non plus).
Mais de là à faire tout ce cinéma autour du film, il y a quand même une franche marge, que dis-je, un gouffre que je ne me risquerais pas à sauter!
Critiques dithyrambiques (même Libé, qui déteste tout et tout le monde, considère que c'est de loin le meilleur film de son auteur, ce qui revient quand même à oublier un peu vite "Trainspotting" ou "28 Jours plus tard", il me semble, mais baste!), énorme succès public dans les pays anglo-saxons, déluge de Golden Globes qui le placent en pole-position dans la course aux Oscars (voir mon propre pronostic ci-dessous), j'en passe et des meilleures...
Hé là, hé là, hé là!
Ca va aller, ici?
Parce que bon, quoi?
A quoi est-ce qu'on a affaire dans le cas qui nous occupe, si ce n'est à un feel-good movie roublard et tire-ficelles, usant et abusant de recettes éprouvées pour faire tour à tour rire et pleurer dans les chaumières? Cachant ses situations rabachées et cousues de câble blanc - pour le moins - derrière un clinquant exotisme de façade et une réalisation tape-à-l'oeil (à laquelle Boyle nous avait déjà habitué par le passé, il est vrai, mais ça ne change rien à l'affaire)?
Ce n'est rien d'autre que ça, "Slumdog Millionaire", hein, les amis?...
Ouvrons un peu les yeux, que Diable!
Un déluge d'images bigarrées et châtoyantes, de la musique plein la gueule (ultra dynamique, Asian Dub Foundation-stylee), des couleurs dégueulantes de kitsch assumé... En veux-tu? J'en ai encore!
Le pire, c'est que, par moment, ça marche. Et ça marche bien, même.
Mais au-delà du gros divertissement calibré blockbuster altermondialiste, malheureusement, pas grand'chose.
Si ce n'est une construction par trop mécanique, dont on devine le fonctionnement et les enjeux dès les premières minutes du film et qui achève de rendre celui-ci monotone et répétitif.
Comme en plus, Danny Boyle passe complètement à côté du spectacle cynique, voire dénonciateur que l'histoire pouvait laisser espérer (un ch'tit gars des bidonvilles qui gagne à un jeu télé, y avait de quoi faire, quand même), il ne reste plus que les paillettes et les confettis à se mettre sous la rétine.
Effacée, la critique sociale à l'indienne, les clashs inter-ethniques, inter-castes, inter-religieux, la disproportion des enjeux dans une société rongée par la pauvreté, les exactions de la police, même.
Oubliés, le gangstérisme, le clientèlisme, la corruption qui gangrènent la société indienne comme bien d'autres de par le monde.
Terminé tout ça, au profit d'une morale déterministe gnangnante et téléphonée.
Certes, reste donc une comédie dramatico-romantique assez vive et globalement pas mal torchée quand même, si, si.
Et le jeu rafraichissant d'acteurs inconnus de par chez nous (surtout le jeune Dev Patel dans le rôle principal).
Mais bon, l'un dans l'autre, pas de quoi faire bouger le cul d'une vache sacrée, non plus... Non mais, quand même!
Cote: *