mercredi 25 juin 2008



Famille, je vous hais...

"Un Conte de Noël " d'Arnaud Desplechin (F); avec Mathieu Amalric, Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon, Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud, Anne Consigny...

Abel et Junon ont eu quatre enfants. D'abord Joseph qui, tout jeune, fût marqué par la maladie, laquelle réclama bien vite une greffe de moëlle osseuse. Sa soeur Elisabeth n'étant pas compatible, ses parent conçurent Henri, l'enfant-remède. Hélas, Henri n'était pas un donneur potentiel non plus. Joseph mourut. Abel et Junon eurent alors Ivan et la famille ainsi constituée tenta de se remettre tant bien que mal de la perte de l'aîné. Des années plus tard, Junon se retrouva frappée à son tour. Pour tenter la greffe, toute la famille, réunie pour Noël dû se plier au rituel des tests. Même Henri, le mauvais fils, jadis "banni" du cercle familial par sa propre soeur...

Oui, c'est tordu. C'est bien le moins que l'on puisse dire...

Et encore, ça ne fait que commencer.

Sacré grand malade, lui aussi, que ce Desplechin qui de film en film règle ses comptes.

Avec sa famille ("La Vie des Morts"), son pays ("La Sentinelle"), ses amours ("Comment je me suis disputé..." ou encore "Rois et Reine" qui lui valut un procès de la part de son ex, Marianne Denicourt).

Or ici, sous le couvert d'un énième règlement de compte familial, il semblerait bien que ce soit cette fois-ci de lui même qu'il se moque. Ou tout du moins dont il dresse le portrait à travers ce personnage de Henri, le fils maudit (qui revient avec des cadeaux plein les bras... Euh... Non, attendez...)

Et pour réjouissant qu'il soit - car tout, chez Desplechin, même dans les situations les plus graves, est toujours empreint d'une fantaisie loufoque, comme une espèce de politesse du désespoir - le portrait est quand même relativement sévère.

Heureusement, même si rien n'est jamais réellement expliqué de manière frontale, les autres membres de la famille ne sont pas épargnés, de la soeur psychorigide au beau-frère absent, en passant par le cousin manipulateur par amour ou le neveu totalement schizophrène.
Et le portrait de groupe furieux finit par édulcorer légèrement l'autoportrait flagellant qui aurait, sans cela, pu virer à l'exercice de style psychanalytique embarassant.

Et du coup, oui, on rit. On rit même beaucoup aux tribulations de cette famille pas si dysfonctionnelle qu'il n'y parait, qui nous renvoie sans doute à pas mal de nos préoccupations de tous les jours.
Cette famille qui dit tout haut ce que la plupart d'entre nous doit avoir au moins une fois dans sa vie pensé tout bas (la merveilleuse scène ou Deneuve et Amalric s'avouent leur désamour mutuel).
C'est ce politiquement incorrect scandaleusement et délicieusement bourgeois qui nous met face à nous même, et qui à la fois nous agace, nous chavire et nous touche.

D'un point de vue strictement technique, ce beau film bergmanien (eh oui, je salue Bergman, on aura tout vu), drôlatique et cérébral, poseur et pourtant léger, se révèle également une étrange machine, avançant tout en ellipses, raccourcis et effets de montage (bizarrement, Desplechin dit s'être inspiré de celui des "Infiltrés" de Scorsese) qui, s'ils n'emportent pas tout à fait l'adhésion (il y aurait pu y avoir une coupe franche vers la fin, également au point de vue du scénario, d'ailleurs) ont au moins l'avantage de proposer une véritable alternative au tout venant cinématographique.

Une proposition de cinéma qui pour le moins interpelle et intrigue...

Un film d'auteur qui se permet le luxe d'être populaire.
Une oeuvre chorale portée par une troupe d'acteurs au mieux de leur forme (et en tête desquels on retrouve un Mathieu Amalric franchement impérial).

Quelque chose de stimulant et de revigorant. Un râté du jury cannois qui l'a injustement oublié?
Sans doute. Mais ce n'est pas bien grâve. Ce conte de Noël n'a besoin de rien ni personne.

Il est assez unique pour se suffire à lui-même...


Cote: ***

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