L'art de la charade à tiroirs.
"Inception" de Christopher Nolan (USA); avec Leonardo DiCaprio, Marion Cotillard, Joseph Gordon-Levitt, Ellen Page, Ken Watanabe, Cillian Murphy...
Cobb est passé maître dans l'art du vol et de l'espionnage industriel. Mais pas n'importe lequel. Sa spécialité, c'est de s'introduire dans les rêves des gens pour y découvrir leurs secrets les plus intimes. Ce faisant, il a gagné en notoriété et en réputation mais a aussi perdu le principal: sa vie et ceux qui lui étaient chers. Pour les récupérer, il accepte une ultime mission. Une mission quasiment irréalisable. Car pour la réussir, il devra parvenir à la manipulation suprême: réussir une inception ! C'est à dire non pas subtiliser le rêve d'un tiers mais réaliser l'exact inverse: implanter une idée dans son esprit ! Et parvenir au crime parfait !
Et si cette fois-ci on le tenait ?
Si "Inception" était enfin le premier, vrai, chef-d'oeuvre - à part entière, oui oui, d'un bloc d'un seul - d'un cinéaste que l'on tenait à l'oeil depuis longtemps, qui nous avait fourni jusque là des films intéressants, passionnants, foisonnants, bluffants, même, pour certains, mais qui manquaient toujours de ce petit quelque chose, de ce je-ne-sais-quoi...
Ce je-ne-sais-quoi qui aurait pu les faire basculer définitivement de l'autre côté du miroir.
Du bon côté de la Force...
Car Christopher Nolan, on le savait déjà, est un esthète de la réalisation, un styliste monstrueux, capable comme il l'a prouvé par le passé avec "Le Prestige" ou ses deux "Batman", de mettre en place de véritables monstres visuels à l'esthétique tétanisante.
Il est aussi, souvent associé à son frère, un scénariste roublard et intelligent, toujours très à l'aise quand il s'agit de torcher des univers retors, fonctionnant à plusieurs niveaux et multipliant les twists et les rebondissements (voir ici du côté de "Memento", "Insomnia" ou de son premier, "Following").
Il est enfin un faiseur ultra-habile - ici dans le sens noble du terme, si tant est qu'un tel sens existe - passé maître dans l'art d'allier technique, plastique, efficacité, divertissement, suspense... dans ce que l'on pourrait qualifier de "blockbusters intelligents".
Une sorte de Saint-Graal du cinéma moderne; ce qui le place d'emblée en tête d'une génération de cinéastes à suivre (parmis lesquels Snyder, Fincher, etc.), fers de lance d'une véritable nouvelle "école" cinématographique.
Néanmoins, jusqu'ici, tous ses efforts, pour admirables qu'ils fussent, n'avaient aboutis qu'à de presques réussites, des quasi chefs-d'oeuvre (lesquelles feraient sangloter de jalousie contrite n'importe quel tâcheron lambda, il est vrai mais baste ! Là n'est pas la question).
Certes, le gaillard s'était approché fort près du soleil - chacun de ses précédents efforts constituant à force d'améliorations successives une sorte d'étape vers la réalisation ultime.
Réalisation ultime que pourrait bien être - et notons bien ici l'usage du conditionnel - cet "Inception".
Car, oui, le film réussit, malgré certains écueils et quelques maladresses, à conjuguer tout les qualités éparses citées plus haut.
C'EST un film visuellement sidérant, à vous arracher les yeux de la tête, bien servi par des effets spéciaux ("à l'ancienne" et usant finalement fort peu des CGI, en plus) qui, pour impressionnants qu'ils soient (la scène à Paris !) ont le bon goût de n'être point trop envahissants et de se mettre au service du film - et surtout de l'histoire.
Que dire également du découpage et de la notion de "temporalité", si ce n'est que - surtout sur la fin - elle constitue ici un modèle à montrer dans les écoles de montage ?
C'EST aussi un film au scénario admirablement travaillé, découpé, à la structure d'une finesse rare et dont la construction, toute en mise an abyme - rêve dans le rêve du rêve dans le rêve - est propre à donner littéralement le tournis, voire le vertige.
Et, oui, C'EST - enfin ! - un blockbuster diablement efficace, qui ménage son lot de suspense - la demi-heure finale ressemble à une remontée d'apnée - de pétarades et de rebondissements (même si la partie enneigée pêche peut-être par excès de jamesbonderie).
Alors, oui (encore !), bien sûr, il y a quelques longueurs et toute la partie "sentimentale", pour essentielle qu'elle soit au déroulement de l'histoire, plombe un tant soit peu le récit et l'alourdit d'une déplaisante couche de guimauve.
Mais ces légers bémols ne parviendront pas à entâcher le C.V. d'une future pièce maîtresse de la S.F. moderne, qui fait se téléscoper "Matrix" et Philip K. Dick avec une classe et une maestria rarement démenties.
Pièce maîtresse qui se paie qui plus est le luxe d'un casting haut de gamme, au sommet duquel trônent Leonardo DiCaprio, Ellen Page, Joseph Gordon-Levitt et Ken Watanabe.
Lequel casting achève de donner à "Inception" des allures de petit classique en devenir.
Oh ! Et après tout... Pourquoi "petit" ?
Cote: ****